Actualités du droit public de l’économie dans des questions parlementaires, par Maxime Cornille.
Sur la nature des informations à délivrer aux candidats non retenus lors d’une procédure restreinte
Résumé : dans le cadre d’une procédure restreinte, l’acheteur public n’est pas obligé d’envoyer aux candidats évincés dès le stade de l’examen des candidatures et avant la signature du contrat, une seconde lettre précisant le nom de l’attributaire et les motifs ayant conduit à ce choix.
Le sénateur (UMP) de Haute-Savoie, Jean-Claude Carle, a interrogé le ministre de l’économie et des finances sur les informations à fournir aux candidats non retenus, au stade de la candidature, lors d’une procédure restreinte.
Le Ministère rappelle dans un premier temps que dans le cadre de la procédure restreinte (appel d’offres restreint ou concours restreint), les candidats non retenus doivent être informés du rejet de leur candidature, au titre des articles 61-II et 70-III-1° du code des marchés publics. Cette information comportant les motifs détaillés du rejet de la candidature doit être immédiate.
Mais le Ministère précise que le pouvoir adjudicateur n’a pas l’obligation de communiquer aux candidats non retenus au stade de la candidature, la liste des candidats admis à présenter une offre. Il rappelle qu’il ne ressort d’aucun article du code des marchés publics que le pouvoir adjudicateur soit tenu de procéder à l’envoi d’une seconde lettre – précisant le nom de l’attributaire et les motifs l’ayant conduit à ce choix – aux candidats évincés dès le stade de l’examen des candidatures.
Il ne s’agit donc pas de la même obligation d’information que celle contenue dans l’article 80-I du code qui oblige le pouvoir adjudicateur à notifier aux candidats dont l’offre (et non la candidature) n’a pas été retenue, les motifs détaillés du rejet de leur offre, le nom de l’attributaire du marché, les motifs ayant conduit au choix de cette offre, ainsi que la durée du délai minimal que s’engage à respecter le pouvoir adjudicateur avant designer le marché.
Offre et candidature sont distincts, et les procédures de rejet y afférant aussi.
Voir : http://www.senat.fr/questions/base/2013/qSEQ130204862.html
Sur le seuil du contrôle de la mise en concurrence par le comptable public
Résumé : dans le cadre d’un marché dont le montant estimé est inférieur à 15000 euros HT, le comptable public n’a pas à exiger la production d’un certificat administratif attestant que la mise en concurrence a eu lieu.
Le Sénateur (SOC) des Alpes de Haute-Provence, M. Claude Domeizel, demande au ministre de l’économie et des finances des précisions concernant l’article 28 du code des marchés publics.
Le Ministère rappelle que les marchés publics passés en vertu de l’article 28 du code des marchés publics ne sont pas soumis aux procédures formalisées imposées par le droit de européen. Les pouvoirs adjudicateurs n’ont donc, dans ce cadre, pas d’obligation relative à l’organisation des mesures de publicité et de mise en concurrence, sous réserve de respecter les principes fondamentaux de la commande publique.
Pour les marchés dont les montants sont inférieurs au seuil de 15000 euros HT, l’accord étant réputé implicite ou oral, « les comptables publics n’ont pas à exiger la production d’un certificat administratif attestant que la mise enconcurrence a eu lieu ».
Le Ministère précise en effet qu’au regard de la jurisprudence BALME( CE, 5 février 1971 n° 71173), le comptable public n’est pas juge de la légalité des actes fondant la dépense, puisque l’ordonnateur est le seul responsable de la présentation de la dépense et des procédures de passation des marchés publics.
Voir : http://www.senat.fr/questions/base/2013/qSEQ130204483.html
Résumé : le titulaire d’un marché à bons de commande doit être indemnisé de son manque à gagner lorsque le maître d’ouvrage n’honore pas le minimum de commande prévu au contrat.
Question n° 20324 (Mme Marie-Jo Zimmermann, député UMP de Moselle) : la député expose au Ministère de l’Intérieur un cas d’espèce. Une commune avait passé un marché de prestation de services juridiques d’une durée de trois ans, pour 60 000 euros. Mais ses commandes de prestation ne peuvent finalement pas dépasser 10 000 euros. Dans ce cas, la commune peut-elle voir sa responsabilité engagée, et devra-t-elle être obligée de payer le montant initialement prévu ?
Réponse : le Ministère rappelle que tout titulaire d’un marché public a droit à ce qu’un minimum de commandes soit honoré. Dans le cas contraire, le titulaire peut être indemnisé du manque à gagner que l’exécution minimale du marché lui aurait procuré (CE, 18 janvier 1991, Ville d’Antibes c. SARL Dani et autres n° 80827). Ce manque à gagner est « la marge nette résultant de l’écart entre le montant minimum du marché et celui des prestationsréalisées » (voir CE, 19 décembre 2012, Sté AB Trans n° 350341).
Mais dans le cadre de cette indemnisation, le juge contrôle « s’il n’existe pas de disproportion manifeste entrel’indemnité ainsi fixée et l’indemnisation du préjudice résultant pour le cocontractant des dépenses qu’il a réaliséeset du gain qu’il a manqué » (CAA Versailles, 7 mars 2006, Commune de Draveil c. Société Via Net Works n° 04VE01381).
L’indemnisation peut aussi se faire via une transaction.
Résumé : un acheteur public ne peut augmenter le maximum prévu par un accord-cadre. Cette modification de l’accord-cadre suppose nécessairement un avenant.
Question écrite n° 22828 du député M. Pascal Terrasse (SRC) : le député demande quelles sont les modalités nécessaires pour modifier le maximum énoncé en valeur ou en quantité d’un accord-cadre, sans incidence sur un seuil de procédure de mise en concurrence. Une décision unilatérale du pouvoir adjudicateur est-elle suffisante pour modifier ce contrat ?
Le Ministère rappelle dans un premier temps qu’un accord-cadre est un contrat conclu entre un pouvoir adjudicateur et un ou plusieurs opérateurs économiques, sur le fondement duquel des marchés subséquents sont passés. Ce contrat est soumis aux mêmes procédures et aux mêmes seuils que les marchés publics.
Le pouvoir adjudicateur peut prévoir un maximum ou un minimum en valeur ou en quantité. Lorsqu’il fixe un maximum, le pouvoir adjudicateur doit déterminer la limite supérieure des obligations susceptibles d’être mises à la charge du ou des titulaires.
Mais le Ministère ajoute que le pouvoir de modification unilatérale du contrat ne peut être mis en œuvre que de manière exceptionnelle. La personne publique doit justifier d’un motif d’intérêt général tenant à la nécessité de répondre à une évolution des besoins du service public.
Et justement, ce pouvoir de modification unilatérale n’est pas le moyen adéquat pour modifier le maximum fixé par l’accord-cadre.
Ce n’est que par la conclusion d’un avenant avec tous les titulaires de l’accord-cadre quel’augmentation de ce maximum de valeur est possible.
Le Ministère précise enfin que cet avenant ne doit pas bouleverser l’économie du contrat (article 20 du CMP).
Résumé : des difficultés dans l’exécution d’un marché public antérieur ne sont pas forcément opposables pour justifier l’exclusion d’une candidature à un marché proposé par un autre pouvoir adjudicateur. De telles difficultés d’exécution ne peuvent de toute manière justifier à elles seules l’exclusion d’une candidature.
Question du député Edouard Philippe (UMP Seine-Maritime) n° 16045 du 26 mars 2013 : le député interroge le ministère de l’Intérieur sur la portée de l’article 52 du code des marchés publics. L’application jurisprudentielle dudit article faisait ressortir que des difficultés d’exécution dans un marché antérieur pouvaient être invoquées pour conclure au rejet d’une candidature dans le cadre d’un marché conclu avec le même pouvoir adjudicateur.
Ces solutions jurisprudentielles ont-elles vocation à s’appliquer dans le cas où les difficultés d’exécutiondu marché par une entreprise candidate ont été rencontrées avec un autre pouvoir adjudicateur quecelui appelé à statuer sur sa candidature ?
Réponse du Ministère de l’Intérieur :
Le Ministère rappelle dans un premier temps que, selon les dispositions de l’article 52 du code des marchés publics, le pouvoir adjudicateur doit écarter les candidatures irrecevables.
Si un candidat ne présentant pas suffisamment de garanties, du fait d’une mauvaise exécution de ses travaux antérieurs, peut être éliminé (CE, 27 février 1987, Hôpital départemental Esquirol c. Sté Geneton, n° 61402), la commission d’appels d’offres ne peut se fonder exclusivement sur cette circonstance « sans rechercher si d’autreséléments du dossier de candidature de la société permettent à celle-ci de justifier de telles garanties » (CE, 10 juin 2009, Région Lorraine n° 324153).
Il revient donc au pouvoir adjudicateur, d’une part, de prouver la réalité du manquement du candidat lors de l’exécution de marchés antérieurs (voir par exemple CE, 1er mars 2012, Dpt de la Corse du Sud n° 354159), et, d’autre part, de démontrer que ces manquements mettent en cause la capacité du candidat pour répondre au marché auquel il soumissionne.
La jurisprudence n’a pas encore statué en ce qui concerne des manquements opposés dans le cadre d’un marchéproposé par un autre pouvoir adjudicateur. Les critères d’éviction seraient en tout cas très stricts. Ainsi, une décision d’exclusion uniquement fondée sur « des bruits et des rumeurs » de restructuration de l’entreprise candidate est irrégulière (CE, 28 avril 1993, Syndicat départemental d’électricité de la Drôme n° 81843).
Nouvelles priorités de contrôle pour la DGCCRF
La DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) vient de publier sa « directive nationale d’orientation » (DNO) pour l’année 2013 et identifie pour cette année les priorités de sa politique de lutte contre les atteintes à la concurrence.
Trois orientations nationales guident la DNO de 2013 :
1) répondre aux obligations communautaires de surveillance du marché, par la mise en œuvre d’actions de contrôle ciblés sur les produits à risques et de plans de surveillance d’ensemble des secteurs et des produits de consommation
2) contribuer au fonctionnement concurrentiel des marchés et à l’équilibre des relations commerciales, en détectant les pratiques anticoncurrentielles et les pratiques restrictives de concurrence
3) concourir à la protection du consommateur en vérifiant notamment la conformité et la sécurité des produits et des services, et en veillant à la loyauté des transactions.
Enfin, des orientations particulières sont précisées pour chaque région. Les principaux axes de contrôle intéressant le secteur de la concurrence dans la commande publique sont :
– Alsace : logements sociaux, gros marchés hospitaliers, grands travaux publics et privés, relations hôpitaux/entreprises de pompes funèbres.
– Aquitaine : sur le secteur tourisme et loisirs : annonces touristiques sur internet, activités sportives et de loisirs nautiques et aquatiques, manifestations festives et oenotourisme. Sur le secteur de la concurrence dans la commande publique : électrification rurale.
– Auvergne : marchés de construction, transport, voirie, traitement des ordures ménagères.
– Bourgogne : grands travaux, travaux routiers, pharmacies hospitalières et consommables hospitaliers.
– Bretagne : investissements immobiliers des lycées bretons, équipements culturels, LGV Bretagne-Pays-de-Loire, pôle d’échanges multimodaux.
– Centre : entretien d’espaces verts, exploitation des parcs de stationnement.
– Champagne-Ardenne : étude sectorielle : agences de développement économique (ADE), sur le secteur de la concurrence dans la commande publique : achat d’équipements sportifs, grands travaux, formation professionnelle.
– Corse : formation professionnelle, tri des déchets non dangereux.
– Franche-Comté : pharmacies hospitalières, grands travaux d’infrastructures.
– Ile-de-France : développement durable : installateurs d’écoproduits (photovoltaïques, pompes à chaleur), produits éco-labellisés, consommation d’énergie et émission de CO2 des véhicules neufs. Sur le secteur de la concurrence dans la commande publique : marchés publics du Grand Paris.
– Languedoc-Roussillon : bâtiment et travaux publics.
– Limousin : marchés de travaux : bâtiments, travaux publics (VRD, assainissement, adduction d’eau potable) et routiers, électrification rurale et de réseaux, transports scolaires.
– Lorraine : formation professionnelle, grands travaux (dont les travaux routiers), achats d’équipements sportifs.
– Midi-Pyrénées : aménagement des zones touristiques et équipements de loisirs ou sportifs de plein air, grands travaux routiers, grands projets structurants, rénovation énergétique du logement social.
– Nord / Pas-de-Calais : travaux de voiries et rénovation de bâtiments anciens, acquisition de denrées alimentaires hors foyer, contrôle sanitaire des eaux.
– Basse-Normandie : aménagement des zones touristiques et équipements de loisirs ou sportifs, structures d’hébergement
– Haute-Normandie : marchés accessoires à la construction de bâtiments, traitement de la voirie, signalétique d’information.
– Pays de la Loire : conseils et services informatiques.
– Picardie : transports de personnes, équipements sportifs et récréatifs, espaces verts et dératisation.
– Poitou-Charentes : ligne LGV Sud-Europe-Atlantique : sous-traitance en génie civil, délais de paiement, réseaux électricité et eau potable.
– PACA : construction, rénovation de logements sociaux, téléphonie, médicaments génériques et fournitures hospitalières, gros travaux.
– Réunion : protocole de Matignon, route du littoral, trans-éco-express (transport public de voyageurs), aéroports.
– Saint-Pierre-et-Miquelon : contrôle des jeux, loteries et concours dans les commerces.
Maxime Cornille