Encore un projet de loi qui bouleverse l’équilibre du droit immobilier et de l’urbanisme, notamment dans sa composante sociale. La frénésie législative dans cette matière ne faiblit pas, malgré l’avertissement classique de Montesquieu 1.
Les nouveautés du « projet ALUR » peuvent se décomposer en six thèmes.
Sur le bail, les changements sont profonds et c’est ici que se manifeste le plus la volonté politique. Un contrat de bail type sera désormais imposé et entièrement repensé pour un rééquilibrage en faveur du preneur. Deux mesures phare s’ajouteront : un dispositif d’encadrement des loyers permettra de réguler le prix des loyers dans les grandes agglomérations pour atteindre des valeurs raisonnables. Et la fameuse garantie universelle des loyers permettra aux bailleurs de ne plus se confronter à l’insolvabilité des preneurs, et à ceux-ci de ne pas se préoccuper outre mesure des conséquences d’un loyer impayé. Mais ces mesures sont particulièrement critiquées, d’une part par les professionnels de l’immobilier qui considèrent qu’elles risquent de porter atteinte au marché de l’immobilier, et, d’autre part, par les commentateurs en général qui jugent qu’elles coûteront excessivement cher.
En matière d’urbanisme, le projet ALUR modifie les règles de planification urbaine. Le schéma de cohérence territorial (ScoT), dont l’adoption est encouragée, se verra renforcé dans son rôle de norme globale de référence en urbanisme. Une plus grande régulation touchera aussi l’urbanisme commercial : le document d’aménagement commercial (DAC) sera désormais intégré dans le SCoT, la procédure d’autorisation commerciale dans le permis de construire, et les zones d’aménagement commerciales (ZACOM) seront supprimées. L’objectif est de limiter l’étalement urbain par ces surfaces commerciales et de réguler l’expansion récente des « drive ». Le plan local d’urbanisme – document de planification classique de l’urbanisme communal – sera désormais élaboré à un niveau intercommunal (PLUi). Des modifications de fond viendront compléter son arsenal, en obligeant le PLUi à prendre en compte les différents plan d’aménagement existant et en favorisant les impératifs environnementaux. Enfin, la carte communale sera modifiée au niveau de sa procédure d’élaboration et complétée par une évaluation environnementale et l’intégration des servitudes d’utilité publique.
La transition entre hébergement et logement a aussi vocation à être facilitée. L’efficacité des organes de pilotage de la politique d’hébergement sera renforcée et améliorée au regard des conditions d’urgence, avec un contrôle accru du préfet. Les compétences entre ces différents organes seront aussi unifiées, avec un accent mis sur la jonction directe entre impératifs d’hébergement et préoccupations de logement. Il y a la véritable volonté d’un suivi de l’hébergement jusqu’au logement à travers cette unification des compétences. Le droit au logement opposable est lui aussi amélioré, notamment par l’intervention possible du préfet dans les situations les plus difficiles.
Des mesures particulières ont aussi vocation à lutter contre l’immeuble en difficulté. Il s’agit, d’une part, de l’adoption de mesures spécifiques destinées à lutter contre l’habitat indigne par des contrôles renforcés, même si cela risque de coûter très cher. C’est, d’autre part, une multiplication de l’arsenal répressif dans le but de limiter l’activité des « marchands de sommeil ». Ce panel de sanctions – tant financières que pénales – concernera les professionnels de l’immobilier malveillants comme les bailleurs exerçant cette pratique.
La vente immobilière est réformée. Les parties à la vente seront davantage informées, et donc protégées. La réglementation des professionnels de l’immobilier sera renforcée, et mieux structurée (encadrement de la profession des « marchands de liste », des ventes à la découpe et des ventes de biens immobiliers aux marchands de sommeil). Enfin, des initiatives apparaissent pour développer l’habitat « participatif » à travers l’idée d’une propriété collective et indirecte du bien.
Enfin, la copropriété est elle aussi remodelée, d’abord par la lutte contre les copropriétés dégradées, ensuite par l’amélioration de leur gestion, et enfin directement par le redressement de ces copropriétés en mauvais état à travers une substitution dans leur administration, soit par un administrateur ad hoc, soit directement par le préfet. L’accent est donc mis sur la lutte contre les copropriétés dégradées avec une nouvelle intervention possible de la puissance publique.
En conclusion, le projet ALUR est encore un projet ambitieux, et transversal. Si les critiques sont nombreuses – tant positives que négatives – surtout de la part des professionnels de l’immobilier, une question retient surtout l’attention : celle du coût réel de toutes ces mesures, qui devront trouver leur place dans un budget nécessairement resserré, quitte à renvoyer leur application aux calendes grecques. Cela semble être déjà le cas pour la garantie universelle des loyers – mesure la plus emblématique – dont l’application est prévue pour le 1er janvier 2016.
Maxime Cornille
1 « Il ne faut légiférer que d’une main tremblante ».