Saisi par la Cour de cassation (Cass. com., QPC, 14 déc. 2010, n° 10-40.047), le Conseil constitutionnel a, dans une décision n° 2010-100 QPC du 11 février 2011, déclaré contraire à la Constitution l’article unique de la loi n° 96-1077 du 11 décembre 1996 relative au contrat de concession du Stade de France à Saint-Denis. En n’indiquant pas dans la loi le motif d’illégalité dont il entendait purger ledit contrat, le législateur a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs et le droit à un recours juridictionnel effectif découlant de l’article 16 de Déclaration de 1789.
Le juge administratif pourrait donc à nouveau être saisi d’un recours en nullité à l’encontre du contrat de concession du stade de France. C’est ce qui va probablement se passer dans l’affaire de parasitisme à l’origine de la QPC.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 décembre 2010 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1322 du 14 décembre 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Monsieur Alban Salim B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article unique de la loi n° 96-1077 du 11 décembre 1996 relative au contrat de concession du Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 96-1077 du 11 décembre 1996 relative au contrat de concession du Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Roland Lienhardt, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 5 et 20 janvier 2011 ;
Vu les observations produites pour la SA Consortium Stade de France et la SARL SDF Prod, par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées les 5 et 19 janvier 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 5 et 20 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Lienhardt pour le requérant, Me François-Henri Briard pour les défendeurs et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 1er février 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu’aux termes de l’article unique de la loi du 11 décembre 1996 susvisée : « Sans préjudice des droits éventuels à l’indemnisation des tiers, est validé le contrat de concession conclu le 29 avril 1995, en application de la loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993 relative à la réalisation d’un grand stade à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en vue de la Coupe du monde de football de 1998, entre l’État et la société Consortium Grand Stade S.A. (nouvellement dénommée Consortium Stade de France) pour le financement, la conception, la construction, l’entretien et l’exploitation du grand stade (dénommé Stade de France) à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), équipement sportif d’intérêt national » ;
2. Considérant que le requérant fait grief à cette disposition de porter atteinte aux principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et du droit à un recours effectif ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ;
4. Considérant que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;
5. Considérant qu’en s’abstenant d’indiquer le motif précis d’illégalité dont il entendait purger l’acte contesté, le législateur a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs et le droit à un recours juridictionnel effectif, qui découlent de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu’il y a lieu, par suite, de déclarer l’article unique de la loi du 11 décembre 1996 susvisée contraire à la Constitution ; qu’en application de l’article 62 de la Constitution, cette disposition est abrogée à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française,
DÉCIDE :
Article 1er.- L’article unique de la loi n° 96-1077 du 11 décembre 1996 relative au contrat de concession du Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) est contraire à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2011, où siégeaient : MM. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 11 février 2011.