Le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles les personnes publiques peuvent conclure entre elles un contrat de coopération n’entrant pas dans le champ de la commande publique ( CE, 3 février 2012, Commune de Veyrier-du-Lac, n° 353737).
La Commune de Veyrier-du-Lac avait conclu avec la Communauté d’agglomération d’Annecy une convention ayant pour objet d’instaurer une entente entre elles visant à confier à la communauté d’agglomération l’exploitation du service public de distribution d’eau potable sur le territoire de la commune (auparavant exercé par un délégataire de service public).
Cette convention n’a fait l’objet d’aucune mesure de publicité et de mise en concurrence préalable à sa conclusion.
Le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, saisi par la société Lyonnaise des Eaux France sur le fondement de l’article L. 551-13 du code de justice administrative (référé contractuel), a annulé cette convention par ordonnance du 12 octobre 2011 au motif qu’elle était constitutive d’une délégation de service public, conclue en méconnaissance des obligations de publicité et de mise en concurrence.
Le Conseil d’État a cassé cette ordonnance, en considérant que cette convention n’entrait pas dans le champ de la commande publique.
L’article L. 5221-1 du code général des collectivités territoriales permet en effet à deux ou plusieurs communes ou établissements publics de coopération intercommunale de « provoquer entre eux, par l’entremise de leurs maires ou présidents, une entente sur les objets d’utilité communale ou intercommunale compris dans leurs attributions et qui intéressent à la fois leurs communes, leurs établissements publics de coopération intercommunale ou leurs syndicats mixtes respectifs ».
Sans insister sur le choix malheureux du terme « entente » par l’article L. 5221-1 précité, on relèvera que le Conseil d’État précise par cette décision les conditions de mise en œuvre d’une telle « entente » entre collectivités territoriales :
« Considérant qu’une commune peut accomplir les missions de service public qui lui incombent par ses propres moyens ou en coopération avec d’autres personnes publiques, selon les modalités prévues par le législateur ;qu’elle peut ainsi conclure, hors règles de la commande publique, sur le fondement de l’article L. 5221-1 du code général des collectivités territoriales, une convention constitutive d’une entente pour exercer en coopération avec des communes, établissements publics de coopération intercommunale ou syndicats mixtes, de mêmes missions, notamment par la mutualisation de moyens dédiés à l’exploitation d’un service public, à la condition que cette entente ne permette pas une intervention à des fins lucratives de l’une de ces personnes publiques, agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel ».
Après avoir rappelé que la mission de service public objet de la convention doit relever des compétences de la collectivité, le Conseil d’État précise que cette coopération ne doit pas conduire à une distorsion de concurrence résultant notamment de transferts financiers « lucratifs » (autrement dit, qui ne se bornent pas à compenser le transfert du service) entre les collectivités : concrètement, les personnes publiques partenaires ne doivent pas affecter le marché concurrentiel.
Dans cette affaire, le Conseil d’État a relevé que l’ensemble des conditions nécessaires à la constitution d’une entente entre collectivités sur le fondement de l’article L. 5221-1 du code général des collectivités territoriales sont réunies :
- l’entente tend à l’exploitation d’un même service public, en continuité géographique, sur l’ensemble du territoire couvert par ces deux personnes publiques, sous la responsabilité opérationnelle de la communauté d’agglomération ; la commune met ainsi à disposition de l’entente l’intégralité de ses infrastructures, en contrepartie desquelles elle bénéficie des installations plus performantes de la communauté d’agglomération;
- le tarif de l’eau fixé par la convention correspond au montant des investissements à réaliser (partie fixe) et au coût de production et d’acheminement de l’eau (partie variable), la régie assurant le service étant soumise à une règle d’équilibre strict entre les dépenses et les recettes ;Le Conseil d’État en conclu que la convention ne provoque pas de « transferts financiers indirects entre collectivités autres que ceux résultant strictement de la compensation de charges d’investissement et d’exploitation du service mutualisé, et la communauté d’agglomération ne peut être regardée comme agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel ».
En définitive, le Conseil d’État considère que la convention a été conclue « à des fins des coopération entre personnes publiques dans le cadre de relations qui ne sont pas celles du marché, n’était pas soumise aux règles de la commande publique ».
Naturellement, il en résulte que la convention n’entre pas dans le champ du référé contractuel, de sorte que l’ordonnance du juge du référé du tribunal administratif de Grenoble est annulée, et la demande de la société Lyonnaise des Eaux France est rejetée par le Conseil d’État.
Source : S. ELLIE, Cabinet DS Avocats, Legavox.