Veille jurisprudentielle : de nouvelles décisions du Conseil d’Etat en avril 2013
Le 19 avril 2013, le Conseil d’Etat a rendu une série de décisions portant sur les contrats publics, intéressantes à plusieurs titres.
1. Dans une première décision n° 357250, Syndicat mixte des aéroports de Charente, le Conseil d’Etat a jugé que :
« Considérant, d’une part, que les marchés publics sont au nombre des contrats qui relèvent d’un régime administratif d’ordre public ; que, dans l’hypothèse où le litige né de l’exécution ou de la rupture d’un tel contrat, conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, est soumis à l’arbitrage et donne lieu à une sentence arbitrale rendue en France, le recours dirigé contre cette sentence, qui implique le contrôle de sa conformité aux règles impératives du droit public français auxquelles sont nécessairement soumis de tels contrats, relève de la compétence du juge administratif et est porté devant le Conseil d’Etat en application de l’article L. 321-2 du code de justice administrative ; que, dans le cas où la sentence arbitrale a été rendue par une juridiction siégeant à l’étranger, la juridiction administrative française est en revanche incompétente pour connaître d’un recours dirigé contre cette sentence ;
Considérant, d’autre part, que, quel que soit le siège de la juridiction arbitrale qui a statué sur un litige né d’un tel contrat, le juge administratif est toujours compétent pour connaître d’une demande tendant à l’exequatur de la sentence, dont l’exécution forcée ne saurait être autorisée si elle est contraire à l’ordre public ; qu’une telle demande relève en premier ressort du tribunal administratif en application de l’article L. 311-1 du code de justice administrative« .
Le Conseil d’Etat affirme ainsi sa compétence pour examiner le recours contre un arbitrage rendu en France relatif à un marché public mais s’estime en revanche incompétent pour connaître d’un recours relatif à une sentence arbitrale rendue à l’étranger. Dans ce cas, seule la demande d’exequatur devant le juge administratif (tribunal administratif) est recevable.
2. Dans une deuxième décision, n° 365617, commune de Mandelieu-la-Napoule, le Conseil d’Etat a jugé que :
« Considérant que les décisions prises par le juge des référés sur le fondement de ces dispositions sont rendues à la suite d’une procédure particulière qui, tout en étant adaptée à la nature des demandes et à la nécessité d’assurer une décision rapide, doit garantir le caractère contradictoire de l’instruction ; que, si les parties peuvent présenter en cours d’audience des observations orales à l’appui de leurs écrits, elles doivent, si elles entendent soulever des moyens nouveaux, les consigner dans un mémoire écrit ; que le juge, qui ne saurait accueillir de tels moyens sans avoir mis le défendeur à même de prendre connaissance du mémoire qui les invoque, peut, compte tenu de ces nouveaux éléments, décider que la clôture de l’instruction n’interviendra pas à l’issue de l’audience mais la différer à une date dont il avise les parties par tous moyens ; que, s’il décide de tenir une nouvelle audience, l’instruction est prolongée jusqu’à l’issue de cette dernière« .
La Haute juridiction a ainsi jugé que malgré le caractère singulier de la procédure de référé précontractuel qui doit s’incrire dans une courte durée, les moyens nouveaux présentés à l’oral lors de l’audience dovient être consignés dans un mémoire écrit, le cas échéant après prolongation de l’instruction.
3. Dans une troisième décision de Section, n° 340093, chambre de commerce et d’industrie d’Angoulême, le Conseil d’Etat a eu à connaître d’une question relative aux droits de la défense dans le cadre d’un contentieux de l’annulation d’un contrat.
Dans cette affaire, les parties avaient exclusivement débattu, avant la clôture de l’instruction prononcée le 3 septembre 2009, sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle et sur celui de la responsabilité quasi-délictuelle dans le cas de l’incompétence du signataire du contrat de concession litigieux. Une telle solution étant conforme aux règles applicables avant la décision « Béziers I ».
Toutefois, l’arrêt d’appel intervenu le 1er avril 2010 avait fait application de la jurisprudence « Béziers I » du 28 décembre 2009, intervenue après la clôture, sans inviter les parties à échanger à ce sujet. Ainsi, Le Conseil d’Etat juge que si « la cour s’est bornée à exercer son office en situant le litige sur le terrain juridiquement approprié et n’a pas soulevé un moyen d’ordre public qu’elle aurait dû communiquer aux parties en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, elle ne pouvait, eu égard aux exigences de la procédure contradictoire, régler l’affaire sur un terrain dont les parties n’avaient pas débattu sans avoir mis celles-ci à même de présenter leurs observations sur ce point . »
Le Conseil d’Etat juge ainsi que si la Cour d’appel a respecté son office en faisant application de la nouvelle jurisprudence, elle devait toutefois inviter les parties à débattre, eu égard aux exigences de la procédure contradictoire, compte tenu des conséquences de changement de fondement.