Par un arrêt remarqué du 26 juillet 2012, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a confirmé que le recours au contrat de partenariat devait être exceptionnel, et justifié notamment par la complexité avérée du projet.
Statuant en excès de pouvoir, la délibération a donc été annulée, malgré l’avis favorable initial de la MAPPP, comme méconnaissant les dispositions relatives au recours au PPP.
La commune de Biarritz a décidé d’avoir recours à un contrat de partenariat pour la réalisation d’une cité du surf et de l’océan et l’extension de son musée de la mer. A l’époque, seuls deux cas d’ouverture permettaient d’avoir recours à ce mécanisme contractuel global et dérogatoire des principes de la commande publique : une situation d’urgence ou de complexité. La commune de Biarritz a justifié son choix en arguant de la complexité, et se prévalait à cet égard notamment d’un avis favorable de la mission d’appui à la réalisation des partenariats public-privé (MAPPP) rendu sur son projet.
Saisie par un contribuable local d’un recours en excès de pouvoir dirigé contre la délibération autorisant la signature du contrat, la CAA de Bordeaux aa censuré les arguments de complexité avancés par la commune pour justifier le principe du recours au contrat de partenariat.
Dans un considérant de principe, elle rappelle d’abord que la démonstration de la condition de complexité appartient à la personne publique, qui ne peut se satisfaire de complexités inhérentes à tout projet, pas davantage qu’elle ne peut se reposer sur un avis favorable de la MAPPP sur le projet, un tel avis n’étant pas suffisant pour établir que les conditions du recours au contrat de partenariat sont remplies :
« […] Considérant que le contrat de partenariat constitue une dérogation au droit commun de la commande publique, réservée aux seules situations répondant aux motifs d’intérêt général les justifiant ; que répondent à un tel motif, outre l’urgence qui s’attache à la réalisation du projet, sa complexité, entendue comme mettant objectivement la personne publique dans l’impossibilité de définir, seule et à l’avance, les moyens techniques répondant à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet ; que l’incapacité objective de la personne publique à définir seule ces moyens doit résulter de l’inadaptation des formules contractuelles classiques à apporter la réponse recherchée ; que la démonstration de cette impossibilité incombe à la personne publique, et ne saurait se limiter à l’invocation des difficultés inhérentes à tout projet ; qu’à cet égard, ni le rapport final d’évaluation préalable, ni l’avis de la mission d’appui au partenariat public privé ne sauraient constituer, devant le juge, la preuve de la complexité invoquée ; que la possibilité ouverte à la collectivité publique par l’article L. 1414-13 de ne confier à son cocontractant qu’une partie de la conception de l’ouvrage ne saurait la dispenser de justifier de son incapacité à mener à son terme la part de l’ouvrage réalisée en partenariat, du fait de sa complexité […] »
Cette acception s’inscrit dans la logique de la réserve du Conseil constitutionnel dans sa décision Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit n°2003-473 DC, qui avait souligné le caractère dérogatoire de ce mécanisme contractuel et la nécessité d’en justifier le recours par des motifs d’intérêt général avérés. Le contrat de partenariat demeurant un mécanisme d’exception, les collectivités locales ne doivent pas se contenter de justifications d’apparat.
Plus encore, la Cour ne reconnaît aucun caractère probant au positionnement de la MAPPP sur la légalité du recours au contrat de partenariat. Pourtant, cet organisme rattaché au ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, est chargé de procéder à l’évaluation préalable des contrats de partenariat de l’Etat, et fournit aux personnes publiques qui le demandent un appui dans la préparation, la négociation et le suivi des contrats de partenariat. Néanmoins, force est de constater que la MAPPP s’oppose très rarement aux projets qui lui sont soumis, puisque sur les quelques 200 avis qu’elle a rendus, on en note seulement 2 négatifs. Comme son intitulé l’indique, cet organisme travaille davantage à appuyer le recours à ce mécanisme contractuel qu’à en contrôler la légalité – il est vrai que ce n’est pas le rôle que lui attribuent les textes.
Ainsi, pour la Cour de Bordeaux, l’avis favorable de cet organisme ne démontre pas que les conditions du recours au contrat de partenariat posées par la loi seraient remplies, et le juge se réserve là un plein pouvoir d’appréciation de la légalité du recours au contrat de partenariat.
Le juge d’appel poursuit son analyse de l’espèce en relevant que l’essentiel des études de conception du projet avait été réalisé, puisqu’un avant-projet détaillé était joint aux documents de la consultation : ainsi, les principes de construction de l’équipement étaient déjà définis, et la commune ne pouvait donc pas alléguer d’une impossibilité objective à déterminer seule et à l’avance les moyens techniques permettant la réalisation du projet. Par ailleurs, les caractéristiques techniques, fonctionnelles et économiques des ouvrages décrites par le dossier de la consultation ne démontraient pas une complexité particulière, tandis que la commune disposait déjà de tous les concours financiers nécessaires à la réalisation du projet, ce qui l’empêchait de se prévaloir d’une complexité du montage financier. Il exclut donc que la condition de la complexité puisse être regardée comme remplie.
Toutefois, l’annulation de la délibération autorisant le maire de Biarritz à signer le contrat de partenariat semble vouée, en l’état, à rester sans effet, sans doute à défaut d’une demande d’injonction aux parties de saisir le juge du contrat pour qu’il en constate la nullité : le juge de l’excès de pouvoir bordelais constate simplement que l’annulation de la délibération est « sans incidence sur la validité du contrat », dont l’exécution devrait ainsi, très paradoxalement, se poursuivre – à moins que le juge de l’exécution ne soit saisi par la suite.
CAA Bordeaux, 26 juillet 2012, Cité du Surf et Aquarium du Musée de la Mer, req. n° 10BX02109.
Sources : Le Moniteur, Adden-leblog.com et Citia.