L’ADPE a le plaisir de publier sur son site une analyse de l’impact de la crise financière sur la gestion du domaine public en Grèce
La crise financière a eu des répercussions sévères sur la Grèce, qui a été surendettée et dont l’économie présentait des défaillances structurelles (notamment un déficit commercial excessif et un système bancaire dont l’actif n’était pas solide). Au début de l’année 2010, la Grèce s’est trouvée dans l’impossibilité de refinancer sa dette souveraine. La faillite au sens technique du terme n’a été évitée qu’avec un recours au soutien par la Commission, la BCE et le FMI (la Troïka). Le programme convenu prévoyait un assainissement budgétaire, comprenant entre autres un programme de privatisations. En vertu de la Loi 3985/2011 (Loi cadre sur la stratégie des finances publique), ce programme était censé apporter 50 milliards d’euros entre 2011-2015. Le programme prévoit des privatisations d’entreprises publiques, d’infrastructures publiques, de droits exclusifs et de patrimoine immobilier de l’Etat.
Trois remarques s’imposent à ce sujet : a) la distinction entre domaine public et domaine privé est connue en droit grec aux conditions et conséquences similaires qu’en droit français, b) l’Etat Grec dispose d’un patrimoine étendu, d’une part en tant que successeur de l’Etat ottoman et des citoyens turcs de ce dernier à la fois, d’autre part en raison de l’étendu du domaine maritime et forestier, c) la gestion et la protection du domaine furent dispersées et inefficaces.
Dans les années 2000, la législation hellénique s’est déjà dotée d’outils d’exploitation économique du domaine de l’Etat : Loi sur les Partenariats Public-Privé (PPPs) pour le développement d’infrastructures, loi sur l’exploitation des installations sportives construites pour les JO d’Athènes (2004). Les autoroutes principales, existantes ou en cours de construction, ont été concédées à des consortiums internationaux, avec la participation de géants européens du BTP. Une loi sur la vente – location (sale & lease back) d’immeubles appartenant au domaine public de l’Etat fut votée (Loi 3581/2007). Néanmoins, jusqu’à 2010 l’apport de ces lois au budget fut négligeable, malgré le contexte international propice.
La crise de 2010 imposait non seulement l’introduction des dispositions nécessaires sur ce plan mais aussi que ces dernières apportent des résultats quant au redressement des finances publiques. Une révision des structures de gestion a été engagée à cette fin.
En vertu de la Loi 3965/2011, un Secrétariat Général au Patrimoine Public (www.gspp.gr) a été instauré : Les anciennes structures se sont fusionnées au sein du Secrétariat et ce dernier a été chargé de la création d’un Registre des propriétés immobilières de l’Etat ainsi que de toutes les personnes morales du secteur public. Le Secrétariat est aussi compétent pour la gestion des multiples dotations de patrimoines de Grecs résidant notamment à l’étranger. Le Secrétariat Général procède à la vente et à la location d’immeubles appartenant au domaine privé.
La Loi 3986/2011 a instauré une société anonyme dont l’actionnaire unique est l’Etat, représenté par le Ministre des Finances, sous la raison sociale du « Caisse de Valorisation du Domaine Privé de l’Administration S.A. » (TAIPED, www.hradf.com). L’Etat et établissements publics transfèrent, en propriété, à la Caisse des terrains, bâtis ou non, après une proposition du Secrétariat Général au Patrimoine Public qui fait état du potentiel marchand de l’immeuble et une décision du Comité Interministériel sur le Privatisations. Ce transfert concerne en principe le domaine privé. Une Commission d’Experts établit le prix raisonnable pour la vente de chaque immeuble. Les terrains mis en vente par la Caisse peuvent faire l’objet de règles spécifiques d’urbanisme et de montages contractuels sur mesure, selon les besoins de chaque projet. Les recettes par la vente servent exclusivement au paiement de la dette souveraine.
La Loi 3986/2011 a donné lieu à des vives critiques : Sur le plan purement juridique et loin d’un rejet a priori de toute législation convenue avec la troïka (parfois imposée contre la volonté du Gouvernement grec), on pourrait lui reprocher l’absence de règles concrètes et précises en ce qui concerne les appels d’offres et de mise en concurrence. Seul le principe de transparence est énoncé dans l’article premier de la loi. Aussi frappante est l’absence de tout encadrement législatif du contenu du contrat de vente, qui parfois prend la forme de montages contractuel complexe.
“It’s the economy stupid” disait le banquier central américain A. Greenspan. Pour revenir donc au monde cruel de l’économie et notamment de l’économie grecque qui n’a plus de marges de déviation par les objectifs budgétaires, force est de constater que la nouvelle gestion domaniale n’a pas apporté les recettes prévues. La limitation du financement des investissements, tant par la voie bancaire que par les ressources propres, ainsi que les doutes sur la viabilité tant du programme actuel que des propositions qui se veulent alternatives, ont fait que l’intérêt fut limité.
Emmanuel Velegrakis
Avocat aux Cours Suprêmes Helléniques
Docteur en droit
D.E.A. droit public interne, D.E.A. droit public de l’économie (Paris 2)